Les hommes sont comme les plantes, qui ne croissent jamais heureusement, si elles ne sont bien cultivées.
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TAILLE DES CLASSES  ET  PERFORMANCES DES ELEVES

Introduction

         La question de l’influence du nombre d’élèves par classe sur l’efficacité de l’enseignement et les progrès des élèves est souvent posée dans les débats scolaires. Il est  couramment admis qu’une réduction de la taille des classes entraînerait des effets positifs sur l’apprentissage. Le point de référence est souvent le temps colonial où cette réduction se justifiait, non pas à cause de sa valeur pédagogique, mais parce qu’il ne s’agissait pas d’une éducation de masse. L’idée d’effectifs réduits est restée dans certains esprits comme une vérité indiscutable, sans que personne ne prouve que le bon rendement était le fait du petit nombre d’élèves par classe. Il en est de même de l’éducation séparée pour les filles, alors qu’en famille, nous vivons ensemble et qu’après les lycées, le travail nous réunit.
         D’autre part, une des caractéristiques les plus évidentes de l’enseignement dans le supérieur est la présence de grands groupes. L’enseignant y gère, dans les premières années du moins, des auditoires de taille supérieure à celle de l’enseignement primaire et secondaire. C’est d’ailleurs ce qui surprend le plus les étudiants à leur entrée dans la plupart des facultés à l’université. Certaines caractéristiques de l’enseignement supérieur découlent probablement de cette simple augmentation du nombre d’étudiants. Ainsi la baisse de fréquence des feed-back s’explique en partie par la difficulté d’organiser des retours d’informations utiles et précises pour des grands auditoires. Bref, il s’agit là d’une caractéristique fondamentale dont on n’a peut-être pas encore assez mesuré l’impact.
         La présente réflexion explore la réalité en rapport avec l’augmentation du nombre d’étudiants dans l’enseignement supérieur et universitaire. Nous avons souvent entendu des gens ironiser ou critiquer les auditoires bondés ou des classes de cent élèves, comme pour vanter ou justifier, dans certaines écoles, les classes de 10 à 20 élèves. La taille de classe a-t-elle une influence sur le rendement des élèves ?
Observons par exemple que les Etats-Unis et le Japon ont résolu le problème de la massification ou du grand nombre d’étudiants en banalisant le concept d'université, dont la dénomination recouvre des établissements de nature très différente. Ainsi aux Etats-Unis, plus de 40% des étudiants sont accueillis dans des "community colleges" post secondaires. Les jeunes Congolais prennent d’assaut chaque jour les universités, chaque famille souhaite que son fils ayant un diplôme soit accueilli et soit bien formé à l’université. L’ère de l’enseignement de masse a sonné, mais certains rêvent encore du temps colonial. Les universités africaines, et à travers les universités, les intellectuels africains formés souvent dans les universités étrangères relèvent mal le défi de concilier le nombre et un enseignement de qualité.
La qualité de l’enseignement et de l’apprentissage dépendrait-elle de la taille de la classe ?

         La France, qui nous sert de référence du fait de la langue et de ses médias qui nous envahissent et nous informent de ses expériences, a consacré des moyens importants à une réduction sensible de la taille des classes : de 1966 à 1999, cette taille a diminué en moyenne de 43, élèves à 25, en maternelle, de 28 à 22, élèves en élémentaire, de 27 à 24 élèves dans le premier cycle du second degré et de 30 à 28 élèves le second cycle général et technologique.  De 1990 à 1995, le taux d’élèves par enseignant est passé de 13 à 11 élèves par enseignant.  Toute cette politique ne semble pas avoir produit des effets escomptés, au contraire, des échecs subsistent dans les écoles françaises.
         Le Haut Conseil de l’évaluation de l’école avait récemment décidé de faire le point sur ce que la recherche et les études permettent de conclure sur cette question. Il avait demandé un rapport de synthèse sur les « recherches portant la baisse de la taille des classes » au professeur Denis Meuret, professeur de sciences de l’éducation à l’université de Bourgogne. Il s’agissait de répondre notamment aux questions suivantes :

  1. Quels sont les mécanismes mis en œuvre pour procéder à la réduction de la taille des classes ?
  2. Quels sont les éventuels bénéfices des élèves (acquis cognitifs ou non) ?
  3. Y a-t-il des effets spécifiques selon les disciplines et les écoles ?
  4. Y a-t-il une gestion différente par l’enseignant d’un groupe classe réduit ?
  5. Y a-t-il une meilleure intégration des élèves au système scolaire et à ses règles ?
  6. Cela ouvre-t-il la possibilité aux enseignants de développer des pratiques différentes et plus efficaces, et utilisent-ils effectivement cette possibilité ?

La conclusion générale est qu’il semble exister un effet positif faible sur les progrès des élèves, un effet observé presqu’uniquement dans les petites classes de l’enseignement primaire, qui semble ne se produire que si l’on procède à une forte réduction de la taille des classes, et qui n’est vraiment visible que pour les enfants de familles défavorisées.  Si l’on décide de conduire une politique de réduction de la taille des classes, il faut, pour qu’elle ait une chance d’être efficace, qu’elle soit très ciblée en direction des seules petites classes du primaire des écoles où est concentrée la population la plus défavorisée.
Une politique touchant d’autres niveaux de scolarité ou une politique à visée plus générale n’a pas, d’après plusieurs recherches, d’effets positifs, ce qui invalide la pratique de réduction de la taille de classe.
En Angleterre, Gibbs et Jenkins avaient mené une recherche qui a permis de dégager entre autres deux points importants : d’abord une relation observée entre la taille des classe et les attitudes des enseignants et des élèves. Selon eux, le climat de la classe est meilleur dans les classes de petite taille. En outre, la taille de la classe, variant dans les recherches entre 25 et 50 élèves, n’a qu’une influence mineure sur les performances des élèves aux examens.

On le voit, la réduction de la taille de classe au primaire et au secondaire n’est pas une solution magique pour améliorer la qualité de l’enseignement et des apprentissages. C’est mal connaître les processus qui se mettent en place dans une classe que de ne miser que sur les effectifs.  Le problème de la qualité d’un système éducatif n’est pas lié à un seul facteur.


Max KUPELESA © 2006
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