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BELGES
Introduction
Quand
on discute sur l’enseignement dans les pays pauvres
avec un belge, la discussion glisse toujours vers le
problème matériel et financier, si l’on
n’est pas averti, on risque facilement de penser
qu’il suffit d’avoir des moyens matériels
et financiers pour qu’il n’y ait plus de
problème scolaire.
Une large étude
menée pendant deux ans par un groupe de chercheurs européens
de six grandes universités (Liège, Louvain-la Neuve, Madrid,
Dijon, Cardiff et Rome), à partir de 29 indicateurs relatifs aussi bien
au contexte de l’école qu’aux mécanismes mis en place
et aux résultats scolaires, a abouti aux conclusions édifiantes
pour nous. Ces conclusions qui ont été présentées à la
Commission européenne en juin 2003 dévoilent les grandes lignes
que nous vous présentons.
La
mauvaise note aux Belges
Dans
la plupart des catégories, la Belgique fait figure
de cancre européen : Les 29 indicateurs peuvent être
regroupés en quatre grandes catégories
suivantes :
La première concerne tous
les avantages liés à l’éducation,
considérant que plus ceux-ci sont importants,
plus il importe que l’éducation soit
distribuée équitablement.
La seconde concerne les processus éducatifs
et l’ampleur des inégalités d’éducation
belge.
La troisième comprend des
indicateurs ayant trait au poids du fonctionnement
du système dans la genèse des inégalités.
Autrement dit : dans quelle mesure le fait que
les plus favorisés bénéficient
d’un contexte plus favorable influence-t-il
leurs performances ?
La dernière concerne l’éventuelle
mise au service des plus défavorisés
de la réussite des meilleurs.
Globalement, le système éducatif belge
se comporte très mal dans chacune de ces catégories,
en comparaison des autres pays de l’Union européenne.
Les pays nordiques (Finlande, Allemagne, Suède,
etc) réalisent les meilleures performances dans
tous les indicateurs : il y a moins de ségrégation
et moins de disparité dans les échelles
scolaires. Ceci a-t-il un rapport avec cela ? Le
constat est qu’en Belgique, un fonctionnement inégalitaire
produit des inégalités fortes. Il y a des écoles
où l’on réussit bien et des écoles
où l’on échoue beaucoup trop. Souvent
même, être pauvre et être faible vont
plus ensemble en Belgique qu’ailleurs… Pour
Jean-Paul Lambert, vice-recteur des Facultés
universitaires Saint-Louis, l’échec frappe
beaucoup plus durement les élèves et étudiants
issus de milieux socio-culturels plus modestes. Il précise
que sur 1000 élèves débutant le
primaire, seuls 512 obtiendront un diplôme du secondaire.
En plus, les élèves motivés à étudier
sont de moins en moins nombreux et les élèves
difficiles ou problématiques sont de plus en plus
nombreux. Les enseignants sont plus préparés à présenter
les matières et à interrogés qu’à gérer
des cas de violence, de démotivation, etc.
L’échec
académique et la pénurie d’enseignants
En
1999 – 2000, en Communauté française,
1623 étudiants étaient inscrits en première
année de l’enseignement supérieur
de type court pédagogique, catégorie « normal
secondaire ». En d’autres termes, 1623 étudiants
destinés, deux ans plus tard, à enseigner
les matières générales dans l’enseignement
secondaire inférieur. En 2002, seuls 620 étudiants
ont été diplômés sur les
1623, malgré les moyens matériels et financiers.
Pire encore, sur les 620 diplômés, près
d’un candidat sur quatre a fait l’éducation
physique, c’est-à-dire 247 étudiants.
La ventilation par matière révèle
que les langues, les sciences, l’histoire et la
géographie ne passionnent plus les jeunes qui
sont très intéressés par le sport
et l’art plastique.
Le
manque d’enseignants se fait sentir même
dans les agrégations de l’enseignement secondaire
supérieur. Les statistiques de ces dix dernières
années indiquent une chute remarquable et très
inquiétante. De 950 candidats en 1991-1992 à 688
en 2001-2002. La baisse des inscriptions se conjugue
avec les maigres réussites, rendant encore plus
critique la carence des professeurs.
Quelles
conséquences ?
Du
fait que le peu de candidats enseignants se concentrent
sur quelques matières marginales, plusieurs écoles
manquent d’enseignants et beaucoup d’élèves
se voient privés de certains cours pendant plusieurs
mois, leur droit à la connaissance est ainsi nié et
leur diplôme, s’il l’obtienne, est
dévalué. Aussi, pour boucher les trous,
les pouvoirs organisateurs sont autorisés à engager
du personnel sans formation adéquate. La carence
est réelle malgré les moyens financiers.
Certains
parents n’hésitent plus à aller
voir ce que les autres pays font. Une délégation
de l’Association de Parents Luttant contre l’Echec
et l’Abandon scolaires révèle qu’en
Finlande, on prend les enfants en charge de manière
complète dès le plus jeune âge :
chaque élève est très attentivement
suivi. Dans le secondaire, les enseignants doivent obligatoirement
passer deux heures par semaine avec les élèves
très faibles afin d’amener chaque élève
au maximum de ses capacités. Il n’y a pas
d’examens, les évaluations se font tout
au long de l’année scolaire. A la fin de
l’année, les élèves présentent
seulement un portfolio dans les matières de leur
choix. Le système éducatif de Finlande
est loin du stress et de la torture mentale que représentent
les examens classiques !
Tout
ce qui précède renseigne que tous les systèmes éducatifs
rencontrent les mêmes problèmes quels que
soient les moyens matériels et financiers dont
on dispose et que les solutions ne sont pas toujours
faciles à trouver. Ce qui incite à une
recherche continue et profonde. Les gigantesques grèves
des enseignants français à la fin de l’année
scolaire 2002 – 2003 montrent qu’il ne suffit
pas d’être un pays riche pour satisfaire
les enseignants ou pour motiver les étudiants.
Les problèmes de l’enseignement – apprentissage
ne doivent donc pas être réduits, de manière
superficielle, à des questions purement matérielles
et financières. Quand on lit la littérature
critique de plusieurs épidermiques spécialistes éducatifs,
et si l’on n’est pas suffisamment averti
des problèmes éducatifs dans le monde,
on croit facilement et de manière étroite
que les conditions matérielles et l’argent
résolvent de façon magique le complexe
et difficile problème éducatif et scolaire.
Il ne suffit pas d’avoir des classes bien construites,
bien équipées pour assurer un enseignement
de qualité et une éducation réussie.
Le cas de la Belgique, qui ne manque point de moyens
matériels et financiers, est probant ; et
il n’est pas le seul. Les questions matérielles
et financières sont principales, mais non les
seules.
En
conclusion, à moins d’un bouleversement
spectaculaire, tout concourt pour affirmer que les problèmes
d’inégalités, d’échecs
et de carence d’enseignants vont s’aggraver
en Belgique.
Max Kupelesa Ilunga, sj
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