Les hommes sont comme les plantes, qui ne croissent jamais heureusement, si elles ne sont bien cultivées.
   
   
   
Education au développement durable

Pour définir la situation et la compréhension d’une éducation vers un développement durable dans nos écoles, nous rassemblons ici des éléments essentiels dans une perspective historique et d’un point de vue critique.

Emergence du concept et de son enseignement

Johannesburg a accueilli du 26 août au 4 septembre 2002 le Somment mondial sur le développement durable. Une rapide approche historique permet de montrer les circonstances de l’émergence de ce concept né de la convergence de deux courants : celui du développement et celui de l’environnement. Il concerne autant les pays du nord que ceux du sud. Quelques repères historiques aident à saisir le contexte de l’émergence :

1950-1960 : Développement = croissance économique ; Il suffit d’appliquer au sud les recettes qui permirent le décollage des économies du nord !

1960-1970 : Première décennie du Développement proclamée par l’Assemblée générale des Nations Unies. Le sous-développement n’est plus considéré comme un simple retard mais on estime qu’il est maintenu par les inégalités des échanges internationaux. L’éducation au développement consiste, notamment, à montrer l’injustice de l’ordre international et la responsabilité du nord dans la perpétuation de ce système.

1970-1980 : Deuxième décennie du développement lancée par les Nations Unies en 1970, qui décrètent, en 1974, la Déclaration sur l’instauration d’un Nouvel Ordre économique international (NOEI). En 1972, le Club de Rome publiait Halte à la croissance. Emerge une prise de conscience de l’acuité des problèmes écologiques. La Conférence sur l’environnement de Stockholm (1972) met en lumière les dangers des modèles de développement fondés sur la seule approche économique de la croissance. En 1977, la Conférence de l’UNESCO sur l’éducation à l’environnement se déroule à Tbilissi. La nouvelle discipline (éducation au développement durable) naît dans plusieurs pays.

1980-1990 : Décennie de la dette et du regain de la pensée économique libérale. Le rapport Brundtland (1988) fait l’inventaire des problèmes qui menacent l’équilibre de la planète. En Suisse, par exemple, l’éducation au développement et à l’environnement pénètre dans les programmes d’études et les horaires ; on élabore des objectifs d’apprentissage, des méthodes d’enseignement et des outils didactiques. Des cours de formation continue offrent des programmes aux enseignants. Plusieurs journées nationales d’éducation à l’environnement furent organisées pour aider à engendrer de comportements plus responsables.

1990-2002 : En 1992, le Somment de la Terre de Rio souligne l’importance du concept de développement durable et propose un programme d’action : Agenda 21, lequel devient un principe repris dans toutes les conférences internationales. Cinq ans plus tard, la Conférence de New York révèle que l’environnement de la planète s’est considérablement dégradé. La Conférence de Johannesburg (26/8 au 4/9/2002) est consacrée au bilan : Rio + 10. Une question est au centre des débats : une croissance économique forte, aujourd’hui, est-elle compatible avec l’écologie du globe et avec les besoins de la population mondiale, demain ?

Importance d’une éducation au développement durable

Le chapitre 36 de l’Agenda 21 souligne le rôle essentiel de l’éducation au développement durable. Celle-ci tarde toutefois à pénétrer dans les programmes scolaires. Il lui manque une reconnaissance et des objectifs d’apprentissage. Toutefois, certains pays – comme le Canada où on l’appelle « éducation au service de la terre » - entreprennent des réformes et introduisent cette approche dans les curricula. Des actions concrètes et concertées sont aussi lancées en Europe (Pari européen contre l’effet de serre). La Suisse, par exemple, traite du concept de développement durable dans sa constitution : la Confédération et plusieurs cantons oeuvrent à l’établissement d’un équilibre durable entre la nature, sa capacité de renouvellement et son utilisation par les humains. Elle s’engage aussi en faveur de la conservation durable des ressources naturelles et en faveur d’un ordre international juste et pacifique. En 1993, le Fonds national lança un programme de recherche sur l’environnement qui eut quelque effet sur l’enseignement. A la fin du siècle, les institutions qui s’occupent de l’éducation au développement à l’environnement, à la santé avaient commencé à esquisser les grandes lignes d’une collaboration. Aujourd’hui, les questions d’éducation au développement durable, définies par l’agenda 21, préoccupent l’Office fédéral de l’environnement, des forêts et du paysage ; la Direction du développement et de la coopération et l’Office fédéral de la santé publique.

A la recherche d’une éducation au développement durable


Quels sont les contenus d’une éducation au développement durable ? Comment l’appréhender et comment l’école peut-elle favoriser l’émergence d’une société différente, plus apte à prendre en compte les équilibres fragiles de la planète ? Autant de questions qui furent débattues, à la fin 2001, par des experts issus de divers milieux pédagogiques (apprentissage global, éducation à l’environnement, politique de l’éducation, formation des enseignants, pédagogie interculturelle) réunies sous l’égide de la Fondation Education et Développement. En 2002, parut un rapport : « Le développement durable fait l’école. L’école fera-t-elle du développement durable ? » lequel présente une synthèse et une analyse des débats. Nous donnons quelques éclairages critiques et nous tentons de cerner les contours d’une telle éducation.

Définition

Tous les experts s’accordent à dire que cette éducation se fonde sur une attitude morale et éthique, un respect des autres et un apprentissage des conséquences de nos actions sur l’environnement immédiat et sur la planète. Il s’agit d’une éducation pour la vie qui devrait apprendre à préserver les fragiles équilibres de la vie afin de léguer une planète viable aux générations à venir. Elle s’inscrit dans trois sphères : environnement, économie, société et touche toutes les activités humaines.

Cet enseignement est difficile car les sujets sont complexes, évolutifs et souvent controversés (questions climatiques, par ex.). La définition elle-même manque de clarté car tout le monde ne s’accorde pas sur ses contenus. On peut dire, toutefois, que ses buts sont de permettre aux élèves d’accéder à des connaissances qui les aident à saisir certains aspects de la problématique. On espère ainsi agir sur les attitudes et développer les valeurs et les comportements d’une citoyenneté responsable.

Les experts ont évoqué cinq champs d’apprentissage : l’interdépendance, l’équité sociale, les conflits et leurs résolution, les images et leur perception, les transformations et l’avenir. Ce programme paraît trop ambitieux et plutôt éclectique. Il exige une révision des missions traditionnelles de l’école et une formation que ne reçoivent pas les enseignants actuels. Une solution serait de traiter certaines questions de ces divers champs à partir de problèmes concrets : eau, énergie, évolution démographique, système de production et de consommation, conflits, guerre, pauvreté, etc.

Les élèves auront ainsi une certaine compréhension des enjeux locaux, nationaux et internationaux. Ils exerceront leur esprit critique et de synthèse (vérifier les sources de l’information, présenter la problématique) et développeront aussi leurs capacités de lecture et de compréhension des graphismes, des statistiques, des cartes et des indicateurs. Autant de compétences qui sont exigées par les plans d’études.

Une pédagogie active qui se dirige aussi vers l’action

Les experts ont souligné que l’approche au développement durable, dite transversale, devrait pénétrer dans toutes les disciplines, tant scientifiques (sciences exactes, naturelles, connaissances de l’environnement, géographie) qu’humaines (histoire, démographie, éducation, psychologie, civisme). Cette éducation peut être dispensée à l’aide des didactiques socio-constructivistes appliquées, en principe, dans les classes. En effet, ces manières actives d’apprendre en émettant des hypothèses, en tâtonnant, en faisant, en multipliant les expériences, en confrontant ses idées à celles des autres, pratiquées dans certaines disciplines comme les mathématiques, s’adaptent parfaitement à une éducation au développement durable.

Il est important que les thèmes et problèmes choisis de manière ludique, participative, coopérative et interdisciplinaire, relèvent les experts, en évitant tout moralisme et tout discours culpabilisant. Il faut, si possible, partir de situations concrètes. Pour les enfants, le monde est une source intarissable de mystères et de découvertes tant naturelles que sociales et scientifiques. Il faut entretenir ce goût d’observer et d’apprendre, car finalement on respecte ce qu’on a appris à apprécier. Les experts relèvent aussi que nombre d’enseignants travaillent déjà en ce sens ; ils sont attentifs à développer les compétences créatrices et sociales des élèves.

Un aspect n’a toutefois pas été évoqué : l’importance des représentations. Les élèves, même très jeunes, ont des idées sur de nombreux problèmes relevant de la sphère du développement durable. Il faut partir de leurs visions et leur permettre de vérifier si ce qu’ils pensent s’avère juste. La recherche montre que ces idées et représentations initiales jouent souvent un rôle motivant et moteur dans l’apprentissage.

Des compétences à acquérir et à développer


Tous les experts s’accordent à dire que l’éducation au développement durable vise à développer la personnalité des élèves, à leur donner confiance en eux afin qu’il aient l’envie et les ressources pour agir en tant que citoyens responsables. Ils ont dressé la liste des compétences à développer : celle de dialoguer, de se distancer, de pratiquer l’abstraction, de raisonner en réseau, de résoudre des problèmes, d’avoir un esprit critique, d’assimiler seul, d’évaluer les informations, de planifier, de juger et de décider, de créer… Ils estiment important l’objectif dit d’empowerment soit la capacité de se prendre en mains, d’agir, de mobiliser sa créativité.

Ces multiples compétences sont énoncées dans les plans d’études. L’une d’entre elles pose, toutefois, problème : la capacité de mettre en réseau les savoirs acquis dans diverses matières. L’école procède, en effet, par découpages tant dans le savoir qu’elle classe dans les diverses disciplines que dans le temps qu’elle divise en tranches horaires. Cette organisation rend difficiles les pratiques de l’interdisciplinarité et de la mise en réseau des connaissances.

De l’importance du temps

Un point important a aussi été soulevé : celui du temps. Ce dernier présente de nombreuses facettes : temps scolaire, celui des horaires et des programmes ; temps qui se vit (enfance, adolescence) ; temps à venir avec son lot d’incertitudes ; temps impliqué dans la notion même du développement durable.

Les experts se sont demandé à quel âge il fallait traiter de l’avenir. Quand les enfants ont-ils des repères temporels suffisants pour penser à long terme ? Il appartient à la recherche de répondre à cette question. Ils ont insisté sur le fait que l’approche du développement durable s’inscrivait – comme son nom l’indique – dans la durée, qu’elle devait traverser toute la période de formation obligatoire et post-obligatoire et s’enrichir au fil des années scolaires. Il est certes important d’éduquer nos enfants aux questions du développement durable mais n’est-ce pas exagéré de proposer que cette problématique soit traitée dans toutes les disciplines et durant toute la formation ? C’est courir un risque certain d’overdose qui peut s’avérer contre-productif.

Une autre temporalité n’a pas été relevée : celle qu’engendre la multiplication des réformes et qui donne au corps enseignant l’impression de courir après le temps. Les didactiques et les moyens d’enseignement changent, de nouvelles disciplines apparaissent au programme (langue, informatique, math), les recyclages demeurent rares. Il faut éviter que de nombreux objectifs d’apprentissage dans l’éducation au développement durable ne renforcent cette impression de surcharge et d’accélération du temps. L’effet serait désastreux. Toute réforme a besoin de temps pour réussir. Il lui faut prendre racine, se ramifier, mûrir, comme ce fut le cas pour l’éducation à la santé…

Du côté des enseignants et des écoles


L’école change et le corps enseignant aussi. Le rôle de ce dernier n’est plus seulement de transmettre des connaissances, mais de créer les conditions d’apprentissage qui permettent aux enfants d’appréhender et de construire leurs savoirs. Cette profonde mutation change l’image de l’enseignant : il n’est plus seul détenteur de savoir. Il joue de plus en plus un rôle d’animateur. Ce changement implique qu’il n’est plus seul derrière la porte close de sa classe, mais qu’il travaille en équipe.

Cette évolution, relèvent les experts, est favorable à la pratique du développement durable. Les enseignants doivent, en effet, se concerter, échanger leurs points de vue, collaborer, travailler de manière interdisciplinaire. Autant d’activités qui développent leur créativité et qui sont propices au développement de cette nouvelle problématique.

Une ombre, toutefois, assombrit le tableau : le surmenage. La multiplication des tâches dévolues à l’école fait que le corps enseignant se sent souvent dépassé et peine à faire tout le programme exigé. Les experts sont unanimes : il faut aider et décharger les enseignants si on veut mettre l’accent sur l’éducation au développement durable. Il faut une offre intéressante de formation continue, développer la recherche, créer des moyens d’enseignement efficace.

Des projets d’établissement

L’éducation au développement durable se prête bien aux projets d’établissements. Depuis quelques années, les projets d’établissements fleurissent dans tous les collèges. La publication « Vers le développement durable. 20 activités et projets d’établissements de Suisse » relate les expériences concrètes d’écoles latines et alémaniques.

Nous ne pouvons que déplorer le cloisonnement des idées dans des vieux projets d’établissements en RDC, où les actions des écoles devraient normalement être soutenues, avant tout, par des personnes compétentes.

Une question de politique éducative

Notre pays a ratifié l’agenda 21 et partant s’est engagé à dispenser une éducation au développement durable. Certes, il convient de souligner les contradictions entre les objectifs de l’agenda et l’évolution politique et économique. Cependant, y’a-t-il une réelle volonté d’éduquer au développement durable ? D’aucuns en doutent. Aucune évaluation ni proposition de réforme ne concerne des connaissances relevant d’une éducation au développement durable.

La situation est difficile, car, l’éducation au développement durable est avant tout transversale et interdisciplinaire. Elle n’apparaît donc pas dans les livrets scolaires et n’est pas évaluée. Mais il faut bien commencer par l’inscrire dans le programmes d’études et fixer ses objectifs d’apprentissage.

CONCLUSION

L’éducation au développement durable est intéressante, mais c’est une tâche délicate. La matière est très complexe et ses contours encore imprécis. Finalement tout est développement durable : il faudrait plus de rigueur pour délimiter les contenus et les limites de cette éducation. L’école a pour mission de lutter contre les divers maux de société, pour cela, elle doit faire des apprenants de véritables vecteurs du changement.

Si l’on veut véritablement éduquer les jeunes au développement durable, il faut une volonté politique claire et affirmée et des enseignants suffisamment sensibilisés à cette question et mobilisés.

Max KUPELESA © 2006
    Webmaster