Les hommes sont comme les plantes, qui ne croissent jamais heureusement, si elles ne sont bien cultivées.
   
Mécanisme de défense
Une défense est fondamentalement pour la psychanalyse un acte par lequel un sujet confronté à une représentation insupportable la refoule, faute de se sentir les moyens de la lier, par un travail de pensée aux autres pensées. Si à l'origine, l'étude des mécanismes de défense a permis une meilleure compréhension du fonctionnement psychique aussi bien normal que pathologique, ils trouvent maintenant de nouvelles applications dans la pratique clinique. Ils constituent des marqueurs du fonctionnement psychique du patient au cours d'une psychothérapie, ils sont également des indices diagnostiques et d'évolution des troubles psychopathologiques. Dans ce sens, savoir les repérer peut s'avérer très important pour un soignant.

Confronté à une maladie ou à un problème de santé, le sujet peut utiliser certains de ces mécanismes pour s'en défendre. En ce sens, on ne saurait parler de réactions d'une personne ou d'un groupe de personnes à un problème de santé sans recueillir les données qui permettent de les identifier, sans en faire un élément d'analyse des données, sans les utiliser dans la démarche de soin que l'on propose au patient. Ainsi un mécanisme de défense tel que l'anticipation est-il utilisé dans les greffes du cœur lorsque d'anciens greffés expliquent aux futurs les étapes par lesquelles ils vont passer.

L'étude des mécanismes de défense dépasse aujourd'hui le champ de la psychopathologie et de la psychothérapie : elle devient courante dans des domaines comme la prévention (y compris la prévention des actes agressifs et violents), l'éducation pour la santé, la médecine des troubles physiques ou la sélection professionnelle.
La mise en relation de ces mécanismes avec d'autres stratégies adaptatives, notamment avec les mécanismes de coping (processus actif par lequel un individu, par l'auto-appréciation de ses propres capacités, de ses motivations, fait face à une situation stressante et réussit à la maîtriser) et de dégagement (mécanismes dont la fonction est de dissoudre progressivement la tension en changeant les conditions internes qui lui donne naissance) en montre tout l'intérêt.
Lorsqu'à partir des années 90, le problème de la résilience qui signifie " capacité à réussir à vivre et à se développer positivement, de manière socialement acceptable, en dépit du stress ou d'une adversité qui comportent normalement le risque grave d'une issue négative " (1), lorsque donc la question de la résilience s'est orientée vers l'étude des facteurs de protection, elle a tout naturellement trouvé sur son chemin certains de ces mécanismes de défense. " Dans le fracas de l'existence, écrit Cyrulnik, un enfant met en place des moyens de défense interne, tels que le clivage, quand le Moi se divise en une partie socialement acceptée et une autre, plus secrète, qui s'exprime par des détours et des surprises. " Vous avez raison, mais tout de même " … dit la personne clivée. Le déni permet de ne pas voir une réalité dangereuse ou de banaliser une blessure douloureuse. " (1)

Définition

Selon Laplanche et Pontalis, les mécanismes de défense constituent l'ensemble des opérations dont la finalité est de réduire ; de supprimer toute modification susceptible de mettre en danger l'intégrité et la constance de l'individu biopsychologique. Elle prend souvent une allure compulsive et opère au moins partiellement de façon inconsciente. Pour Widlöcher les mécanismes de défense caractérisent les formes cliniques des opérations défensives. La défense apparaît alors comme l'ensemble des opérations dont la finalité est de réduire un conflit intrapsychique en rendant inaccessible à l'expérience consciente un des éléments du conflit, voire la totalité du conflit. Elle est pour lui inséparable du conflit sous-jacent.
Pour N. Sillamy, la défense est un mécanisme psychologique inconscient utilisé par l'individu pour diminuer l'angoisse, née des conflits intérieurs entre les exigences instinctuelles et les lois morales et sociales.
Braconnier considère que la notion de mécanisme de défense englobe tous les moyens utilisés par le moi pour maîtriser, contrôler, canaliser les dangers externes et internes. (2)

Contre quoi le moi se défend-il ?

Le moi se défend des pulsions inconscientes et des affects liées à ces pulsions.
Une pulsion est un processus dynamique consistant en une poussée (charge énergétique, facteur de motricité) qui fait tendre l'organisme vers un but. Selon Freud, une pulsion a sa source dans une excitation corporelle (état de tension) ; son but est de supprimer l'état de tension qui règne à la source de la pulsion ; c'est dans l'objet ou grâce à lui que la pulsion peut atteindre son but. La pulsion a quatre caractéristiques : source, poussée, objet et but.
La source est corporelle : elle procède de l'excitation de n'importe quel organe.
La poussée est l'expression de l'énergie pulsionnelle elle-même.
Le but est la satisfaction de la pulsion, autrement dit la possibilité pour l'organisme d'accéder à une décharge pulsionnelle, c'est-à-dire de ramener la tension à son point le plus bas et d'obtenir ainsi l'extinction (temporaire) de la pulsion.
Quant à l'objet, c'est n'importe quoi qui peut permettre la satisfaction de la pulsion (qui permette au but d'être atteint).
La force de la poussée est variable, les objets pulsionnels sont innombrables mais aussi et surtout le but de la pulsion ne peut être atteint que de manière provisoire, la satisfaction n'est jamais complète puisque la tension renaît très vite et que, en fin de compte, l'objet est toujours en partie inadéquat et sa fonction jamais définitivement remplie.
L'affect est un état émotionnel dont l'ensemble constitue la palette de tous les sentiments humains, du plus agréable au plus insupportable, qui se manifeste par une décharge émotionnelle violente, physique ou psychique, immédiate ou différée. Dans un premier repérage, Freud constate que la pulsion sexuelle se manifeste par un affect d'angoisse. Cette angoisse se transforme de trois façons:
· en un symptôme hystérique (paralysie, vertiges) vécu sans angoisse mais comme une atteinte organique ;
· en se déplaçant sur un autre objet (crainte obsédante de la mort d'une personne aimée) ;
· en se convertissant en une réaction corporelle immédiate et catastrophique (crise d'angoisse, cauchemar).
Les pulsions du Çà ne sont pas destinées à rester inconscientes. Elles tentent de pénétrer dans le conscient pour s'y satisfaire ou essayent d'envoyer vers le conscient certains de leurs dérivés. Naissent ainsi des conflits entre d'une part le moi, et d'autre part des pulsions ou leurs dérivés.

Les affects liés aux pulsions comme l'amour, la jalousie, la mortification, la douleur ou le deuil sont soumis à toutes sortes de mesures que le moi adopte pour les maîtriser et subissent donc des métamorphoses.
Ces affects sont nécessairement déplaisants dans le sens où s'il ne s'agissait pas d'affects déplaisants on ne se défendrait pas.

La défense porte de façon générale sur la pulsion et électivement sur des représentations auxquelles la pulsion est liée (souvenirs, fantasmes), sur des situations capables de déclencher des pulsions déplaisantes pour le moi ou sur des affects déplaisants.

Pourquoi le moi se défend-il ?

Selon Anna Freud, lorsque les défenses ont comme cible les pulsions, trois motifs peuvent être retenus :

1. Le peur du Surmoi.. Par crainte du Surmoi (qui s'oppose à ce qu'une pulsion puisse devenir consciente et obtenir satisfaction) le moi met en branle ses mécanismes de défense et entre en lutte contre la pulsion. Ce motif est rencontré dans le cas de la névrose des adultes.

2. La peur réelle. C'est le cas de l'enfant qui considère la pulsion comme dangereuse en raison des interdictions formelles de ses parents ou éducateurs qui lui interdisent de la satisfaire. C'est donc par crainte du monde extérieur que l'enfant redoute la pulsion. Cette crainte réelle est un motif rencontré dans le cas des névroses infantiles. Ces deux premiers cas de figure ont en commun le fait qu'en se défendant le moi obéit au principe de réalité. En supposant que malgré l'opposition du Surmoi ou du monde extérieur la pulsion arrive à se satisfaire, il y aurait d'abord production de plaisir car satisfaire un instinct est toujours agréable, au début. Mais, ensuite, des sentiments de culpabilité, engendrés par l'inconscient ou liés aux châtiments infligés par le monde extérieur, produiraient du déplaisir. Dans les deux cas, le moi tente donc d'éviter ce déplaisir secondaire.

3.La crainte que l'intensité des pulsions ne deviennent excessive. Ce motif est rencontré chez certains enfants et, plus tard, normalement à certaines périodes de transformation physiologique, comme la puberté ou la ménopause et pathologiquement, au début d'une poussée psychotique.

Les motifs des défense contre les affects sont issus des conflits entre le moi et la pulsion. Lorsque le moi se dresse contre les pulsions, il cherche également à se défendre contre les affects associés à ces dernières. L'affect peut être d'abord agréable ou pénible. Le moi décide de son attitude à l'égard de l'affect d'après le principe de plaisir : il accueille avec empressement l'affect agréable et se défend contre l'affect pénible.

Que signifie une défense réussie ?

On peut retenir avec Anna Freud quatre idées de base :
1) La réussite d'une défense doit être considérée du point de vue du moi et pas en termes de monde externe, d'adaptation à ce monde ;

2) Les critères de réussite sont liés aux buts suivants : empêcher la pulsion interdite d'entrer dans la conscience, écarter l'angoisse connexe à la pulsion ; échapper à toute forme de déplaisir ;

3) Dans le cas particulier du refoulement, la réussite est effective lorsque toute prise de conscience disparaît ;

4) Une défense réussie est toujours quelque chose de dangereux car elle restreint excessivement le domaine de la conscience ou de la compétence du moi, ou elle falsifie la réalité. Une défense réussie peut avoir des conséquences néfastes pour la santé ou pour le développement ultérieur.

Sandler évoque l'échec des défenses et se dit certain que " les symptômes sont construits très soigneusement comme des mesures de dernière ligne lorsque la défense échoue " Ceci est fait selon lui pour préserver le bien-être, pour éviter l'angoisse, pour remplir la même fonction que les défenses, bien que le sujet puisse souffrir de la douleur du symptôme.
Pour Anna Freud, l'activité de défense " devrait créer un état d'équilibre entre le monde intérieur et extérieur, entre les demandes intérieures et les demandes extérieures " et ne devrait pas aboutir à la formation de symptômes. Elle réaffirme que le symptôme évite le pire et que la formation de symptôme n'est qu'un compromis. Pour Fenichel, il existe des défenses qui réussissent " les sublimations " qui ne bloquent pas la décharge d'une pulsion et permettent un changement de l'objet de la pulsion et/ou un changement de but, la pulsion étant alors dérivée vers un but non sexuel.
Les défenses qui échouent sont pathogènes parce que le moi les utilise de manière trop fréquente ou continue pour prévenir la percée de la pulsion écartée, détournée de la conscience. Elles mobilisent beaucoup d'énergie et doivent être maintenues au prix d'un grand effort. Ces défenses interfèrent avec les autres fonctions du moi et peuvent entraîner un arrêt partiel de certaines de ses fonctions.

Qu'est-ce qu'une défense adaptative ?

Pour Vaillant, certaines défenses peuvent être adaptatives et faciliter aussi bien l'homéostasie psychique que l'adaptation du sujet à son environnement. Ces défenses adaptatives présentent cinq caractéristiques :

1) Leur mode d'action vise par exemple dans le cas de l'affect non pas à le faire disparaître, à " l'anesthésier " mais, plutôt à agir sur lui et, donc, à " réduire la douleur ". Ceci explique pourquoi l'anticipation ou la répression sont des mécanismes plus adaptatifs que l'activisme et le déni psychotique.

2) Les défenses adaptatives s'inscrivent dans une perspective temporelle : elles sont plus orientées vers le long terme. L'anticipation, est ainsi supérieure au passage à l'acte car elle permet, métaphoriquement parlant " de payer maintenant et de voler plus tard ".

3) Les défenses adaptatives sont aussi spécifiques que possible. La métaphore est ici la clé qui s'ajuste parfaitement à la gorge d'une serrure comparée au marteau pour frapper fixé à une porte close. Elles doivent être adaptées à la menace.

4) Plutôt que de bloquer les sentiments, les défenses adaptatives les canalisent. Endigués les sentiments peuvent être aussi dangereux qu'une panne dans le système d'évacuation de la vapeur d'une cocotte minute mise sur le feu.

5) Les défenses adaptatives rendent leur utilisateur agréable, attrayant. Les défenses non-adaptatives conduisent au rejet de leur utilisateur perçu comme irritant, répugnant, etc.

Les défenses sont-elles pathogènes ?

Elles ont en fait une double fonction. Elles sont nécessaires au développement de la pathologie mais ne conduisent pas nécessairement à la pathologie. Les défenses pathologiques peuvent être identifiées par leur caractéristiques de rigidité, d'intensité et de surgénéralisation (utilisation dans les relations avec de nombreuses personnes ou dans diverses situations.
Pour Bergeret, un sujet n'est jamais malade parce qu'il a des défenses mais parce que les défenses qu'il utilise habituellement peuvent être décrites comme : inefficaces, trop rigides, mal adaptées aux réalités internes ou externes et/ou exclusivement du même type. Le fonctionnement mental se voit ainsi entravé dans sa souplesse, son harmonie, son adaptation.

Classifications

Selon Vaillant " Il y a autant de défenses que notre imagination, notre témérité ou notre aisance verbale nous permettent d'en inventorier. "
Leur nombre varie selon les auteurs de 8 à 45. Il est donc difficile de les classifier.
Vaillant propose de les différencier en :
1. Défenses psychotiques qui inclut la projection délirante, la distorsion et le déni psychotique
2. Défenses immatures, au nombre de 6 : projection, fantaisie schizoïde, hypochondrie, agression passive activisme et dissociation (ou déni névrotique)
3. Défenses névrotiques ou intermédiaires : déplacement, isolation de l'affect, refoulement et formation réactionnelle.
4. Défenses matures comme l'altruisme, la sublimation, la répression (ou mise à l'écart, l'anticipation et l'humour.

Ihilevich et Gleser décrivent cinq styles de défense suffisamment généraux pour inclure tous les mécanismes identifiés :
1. Se tourner contre l'objet.. Dans ce style, les conflits internes et les menaces externes sont gérées par une attaque excessive et inappropriée dirigée contre la source réelle ou présumée du danger perçu. Cette stratégie remplace l'expérience de se sentir menacé par celle de menacer, ce qui crée une illusion de pouvoir qui soutient le bien-être du sujet. Des défenses comme l'identification à l'agresseur et le déplacement appartiennent à ce style défensif.
2. La projection Ce style est caractérisé par le fait de justifier l'expression de l'hostilité ou du rejet en attribuant aux autres des intentions ou des caractéristiques négatives, à partir de preuves déformées. Ce type d'attribution diminue l'anxiété du sujet quant à ses propres caractéristiques indésirables et crée l'illusion de la maîtrise de ces caractéristiques et de la supériorité, améliorant ainsi l'estime de soi.
3. Jouer sur les principes. Sous l'apparence d'épouser des principes généraux, les défenses appartenant à ce style évoquent des platitudes, des truismes, des clichés, du sophisme pour dissimuler un conflit interne ou une menace externe. Ainsi on écarte de la conscience la signification émotionnelle des conflits ou menaces. En créant l'illusion de la " compréhension " ces défenses donnent au sujet le sentiment de maîtrise, de détachement émotionnel par rapport à la menace perçue, diminuent l'anxiété et augmentent l'estime de soi. Ce style est commun à des défenses comme l'intellectualisation, la rationalisation et l'isolation de l'affect.
4. Se tourner contre soi. Face à des conflits et des menaces, les réponses défensives orientent vers soi-même des critiques excessives, de la colère, de l'hostilité injustifiée. Ce type de réponses crée une sorte de " coussin " ou de " matelas " qui adoucit l'impact psychologique des conflits, et des menaces. L'anticipation du pire engendre l'illusion d'un contrôle existentiel sur des résultats indésirables, diminuant ainsi l'impact des menaces perçues et contient, si elle ne peut l'éliminer, l'anxiété. Cette stratégie protège une estime de soi vulnérable contre une diminution possible. Ce style serait celui des réponses auto-handicapantes, pessimistes ou masochistes.
5. Le renversement. Les réponses défensives de ce style diminuent le conflit interne ou les menaces externes en minimisant leur importance ou en les déplaçant totalement de la conscience. Ainsi le sujet répond de manière positive ou neutre à un événement frustrant qui autrement engendrerait une réaction négative. L'effaçage de la réalité déplaisante crée l'illusion d'une maîtrise des conflits ou menaces qui diminue l'anxiété consciente et augmente le sentiment de bien-être. On retrouve ce style dans des mécanismes comme la dénégation, le déni, la formation réactionnelle et le refoulement.
Qu'est-ce qu'une défense adaptative ?

Pour Vaillant, certaines défenses peuvent être adaptatives et faciliter aussi bien l'homéostasie psychique que l'adaptation du sujet à son environnement. Ces défenses adaptatives présentent cinq caractéristiques :

1) Leur mode d'action vise par exemple dans le cas de l'affect non pas à le faire disparaître, à " l'anesthésier " mais, plutôt à agir sur lui et, donc, à " réduire la douleur ". Ceci explique pourquoi l'anticipation ou la répression sont des mécanismes plus adaptatifs que l'activisme et le déni psychotique.

2) Les défenses adaptatives s'inscrivent dans une perspective temporelle : elles sont plus orientées vers le long terme. L'anticipation, est ainsi supérieure au passage à l'acte car elle permet, métaphoriquement parlant " de payer maintenant et de voler plus tard ".

3) Les défenses adaptatives sont aussi spécifiques que possible. La métaphore est ici la clé qui s'ajuste parfaitement à la gorge d'une serrure comparée au marteau pour frapper fixé à une porte close. Elles doivent être adaptées à la menace.

4) Plutôt que de bloquer les sentiments, les défenses adaptatives les canalisent. Endigués les sentiments peuvent être aussi dangereux qu'une panne dans le système d'évacuation de la vapeur d'une cocotte minute mise sur le feu.

5) Les défenses adaptatives rendent leur utilisateur agréable, attrayant. Les défenses non-adaptatives conduisent au rejet de leur utilisateur perçu comme irritant, répugnant, etc.

Les défenses sont-elles pathogènes ?

Elles ont en fait une double fonction. Elles sont nécessaires au développement de la pathologie mais ne conduisent pas nécessairement à la pathologie. Les défenses pathologiques peuvent être identifiées par leur caractéristiques de rigidité, d'intensité et de surgénéralisation (utilisation dans les relations avec de nombreuses personnes ou dans diverses situations.
Pour Bergeret, un sujet n'est jamais malade parce qu'il a des défenses mais parce que les défenses qu'il utilise habituellement peuvent être décrites comme : inefficaces, trop rigides, mal adaptées aux réalités internes ou externes et/ou exclusivement du même type. Le fonctionnement mental se voit ainsi entravé dans sa souplesse, son harmonie, son adaptation.

Classifications

Selon Vaillant " Il y a autant de défenses que notre imagination, notre témérité ou notre aisance verbale nous permettent d'en inventorier. "
Leur nombre varie selon les auteurs de 8 à 45. Il est donc difficile de les classifier.
Vaillant propose de les différencier en :
1. Défenses psychotiques qui inclut la projection délirante, la distorsion et le déni psychotique
2. Défenses immatures, au nombre de 6 : projection, fantaisie schizoïde, hypochondrie, agression passive activisme et dissociation (ou déni névrotique)
3. Défenses névrotiques ou intermédiaires : déplacement, isolation de l'affect, refoulement et formation réactionnelle.
4. Défenses matures comme l'altruisme, la sublimation, la répression (ou mise à l'écart, l'anticipation et l'humour.

Ihilevich et Gleser décrivent cinq styles de défense suffisamment généraux pour inclure tous les mécanismes identifiés :
1. Se tourner contre l'objet.. Dans ce style, les conflits internes et les menaces externes sont gérées par une attaque excessive et inappropriée dirigée contre la source réelle ou présumée du danger perçu. Cette stratégie remplace l'expérience de se sentir menacé par celle de menacer, ce qui crée une illusion de pouvoir qui soutient le bien-être du sujet. Des défenses comme l'identification à l'agresseur et le déplacement appartiennent à ce style défensif.
2. La projection Ce style est caractérisé par le fait de justifier l'expression de l'hostilité ou du rejet en attribuant aux autres des intentions ou des caractéristiques négatives, à partir de preuves déformées. Ce type d'attribution diminue l'anxiété du sujet quant à ses propres caractéristiques indésirables et crée l'illusion de la maîtrise de ces caractéristiques et de la supériorité, améliorant ainsi l'estime de soi.
3. Jouer sur les principes. Sous l'apparence d'épouser des principes généraux, les défenses appartenant à ce style évoquent des platitudes, des truismes, des clichés, du sophisme pour dissimuler un conflit interne ou une menace externe. Ainsi on écarte de la conscience la signification émotionnelle des conflits ou menaces. En créant l'illusion de la " compréhension " ces défenses donnent au sujet le sentiment de maîtrise, de détachement émotionnel par rapport à la menace perçue, diminuent l'anxiété et augmentent l'estime de soi. Ce style est commun à des défenses comme l'intellectualisation, la rationalisation et l'isolation de l'affect.
4. Se tourner contre soi. Face à des conflits et des menaces, les réponses défensives orientent vers soi-même des critiques excessives, de la colère, de l'hostilité injustifiée. Ce type de réponses crée une sorte de " coussin " ou de " matelas " qui adoucit l'impact psychologique des conflits, et des menaces. L'anticipation du pire engendre l'illusion d'un contrôle existentiel sur des résultats indésirables, diminuant ainsi l'impact des menaces perçues et contient, si elle ne peut l'éliminer, l'anxiété. Cette stratégie protège une estime de soi vulnérable contre une diminution possible. Ce style serait celui des réponses auto-handicapantes, pessimistes ou masochistes.
5. Le renversement. Les réponses défensives de ce style diminuent le conflit interne ou les menaces externes en minimisant leur importance ou en les déplaçant totalement de la conscience. Ainsi le sujet répond de manière positive ou neutre à un événement frustrant qui autrement engendrerait une réaction négative. L'effaçage de la réalité déplaisante crée l'illusion d'une maîtrise des conflits ou menaces qui diminue l'anxiété consciente et augmente le sentiment de bien-être. On retrouve ce style dans des mécanismes comme la dénégation, le déni, la formation réactionnelle et le refoulement.

Liste de différents mécanismes de défense

· Activisme Gestion des conflits psychiques ou des situations traumatiques externes par le recours à l'action, à la place de la réflexion ou du vécu des affects. L'activisme peut être une réponse ponctuelle, par exemple à un deuil : la personne se réfugie dans le travail pour oublier momentanément sa peine, la perte d'un proche. Dans ce sens on peut parler de mécanisme adaptatif, l'activisme deviendrait pathologique quand toutes les difficultés sont gérées de cette façon et qu'il finit par interdire toute réflexion sur soi, ou empêcher tout manifestation d'affect.

· Affiliation L'affiliation est la recherche de l'aide et du soutien d'autrui quand on vit une situation qui engendre de l'angoisse. L'affiliation peut être un mécanisme adaptatif et une partie de notre travail notamment en ville consiste à permettre au patient de chercher le soutien de ses proches ou de l'équipe soignante. L'incapacité d'affronter seul une situation constituerait le versant pathologique de ce mécanisme.

· Affirmation de soi par l'expression des sentiments En proie à un état émotionnel ou à un événement extérieur stressant, la personne qui utilise ce mécanisme de défense communique sans détours sentiments et pensées, d'une façon ni agressive, ni manipulatrice. C'est un peu ce que recherchent les soignants qui interviennent lors des catastrophes pour éviter la survenue d'état de stress post-traumatiques. On associe en fait une certaine forme d'affiliation qui implique de travailler le groupe et l'affirmation de soi par l'expression des sentiments. Mécanisme de défense adaptatif, l'affirmation de soi par l'expression des sentiments peut avoir son versant pathologique lorsque la personne reste cantonnée à l'expression de affects sans pouvoir recourir à l'abstraction.

· Agression passive Il s'agit d'une réponse aux conflits émotionnels ou aux facteurs de stress internes ou externes par une agression envers autrui exprimée de façon indirecte et non-combative. Une façade d'adhésion apparente voile la résistance, le ressentiment ou l'hostilité. L'agression passive représente une réponse soit aux exigences d'action ou de performance d'une autre personne soit au manque de gratification des propres désirs du sujet. Ce mécanisme peut constituer une modalité adaptative pour des personnes qui occupent une position de subalterne et qui n'arrivent pas à s'affirmer ouvertement par d'autres moyens. Ce mécanisme de défense est probablement le mécanisme le plus utilisé dans la fonction publique. A tous les échelons, les fonctionnaires répondent : " Oui, oui. " mais se ardent bien de faire quoi que ce soit de ce qui leur est demandé. Une variante est " Cause à mon cul ma tête est malade. " Respiration parfois, façon d'éviter le conflit, généralisée l'agression passive a un coût faramineux.

· Altruisme Dévouement à autrui qui permet au sujet d'échapper à un conflit. On peut faire les mêmes remarques que pour l'activisme. L'altruisme a l'avantage d'être socialement reconnu. C'est un bon moyen d'être considéré comme un saint. Le problème est que l'altruiste fait souvent payer à l'autre son renoncement. Le conflit revient toujours et l'altruiste exclusif est contraint à être de plus en plus altruiste. Le risque est de tisser une relation de dépendance avec la ou les personnes avec lesquelles il se dévoue.

· Annulation rétroactive Illusion selon laquelle il serait possible d'annihiler un événement, une action, un souhait, porteurs de conflits, grâce à la toute puissance d'une action ou d'un souhait ultérieurs, censée avoir un effet de destruction rétroactive. L'annulation rétroactive renvoie à la pensée magique. Un homme se promène, croise une jeune femme, la regarde, sourit, fait quelques pas et fait brusquement trois pas en arrière avant de poursuivre son chemin comme si de rien n'était. Les trois pas en arrière sont là pour annuler la pensée obscène qui s'est imposée à lui en croisant la jeune femme. L'annulation rétroactive se rencontre essentiellement dans les névroses obsessionnelles

· Anticipation Anticiper consiste, lors d'une situation conflictuelle, à imaginer l'avenir : en expérimentant d'avance ses propres réactions émotionnelles ; en prévoyant les conséquences de ce qui pourrait arriver ; en envisageant différentes réponses ou solutions possibles. Les sportifs utilisent souvent ce mécanisme de défense en anticipant le match qu'ils vont livrer. Ils visualisent la place des poteaux, l'emplacement des supporters, la technique employée par l'adversaire, etc. L'amoureux transi peut se préparer en choisissant comme lieu de rencontre avec sa belle un lieu qu'il connaît, en apprenant par cœur le discours qu'il compte lui délivrer, en préparant ses objections, et en imaginant des réponses, etc. L'anticipation est le prototype des mécanismes adaptatifs. On peut préparer les patients à la recherche d'un emploi, d'un logement, à une rencontre avec leurs parents grâce à des jeux de rôle. D'une certaine façon les protocoles sont une forme d'anticipation. Il existe un aspect pathologique dans l'anticipation lorsque la personne s'avère incapable d'affronter une situation nouvelle sans l'avoir anticipée.

· Auto-observation Le sujet traite le conflit émotionnel ou les facteurs de stress internes ou externes en amorçant une réflexion sur ses propres pensées, sentiments, motivations et comportement et en répondant de manière appropriée. L'auto-observation a également son côté pathologique lorsque la personne en perd toute spontanéité, lorsqu'elle passe son temps à s'observer et à s'analyser. L'auto-observation peut être pathologique lorsqu'elle se colore de rationalisation délirante, lorsqu'elle devient une mécanique mentale folle.

· Blocage Inhibition, habituellement temporaire, des affects pouvant, aussi, concerner la pensée et les pulsions. Le blocage est un processus défensif proche, en tant qu'effet du refoulement.

· Clivage du Moi Le clivage est l'action de séparer, de diviser le moi (clivage du moi), ou l'objet (clivage de l'objet) sous l'influence angoissante d'une menace, de façon à faire coexister les deux parties ainsi séparées qui se méconnaissent sans formation de compromis possible. Dans l'Abrégé de psychanalyse, Freud applique cette méthode de défense à la psychose. L'une des positions est le fait du çà (le délire) tandis que l'autre est le fait du moi (contact maintenu avec la réalité). Selon Freud, " même quand il s'agit là d'états hallucinatoires confusionnels, les malades une fois guéris, déclarent que dans un recoin de leur esprit, suivant leur expression, une personne normale s'était tenue cachée, laissant se dérouler devant elle, comme un observateur désintéressé, toute la fantasmagorie morbide. " On pourrait considérer que le clivage est un mécanisme de défense clairement pathologique. Il est un mécanisme extraordinairement efficace pour affronter les situations les plus périlleuses. Ainsi Bettelheim, interné en camp de concentration, faisait-il une étude sur les mécanismes de défense qui permettait de survivre aux situations limites. Son énergie était focalisée sur cette étude. Il ne prêtait ainsi plus attention à ce que vivait son corps de torture, de mauvais traitement. C'était clivé. Le mécanisme est proche en cas de viol. La femme se clive. D'un côté les horreurs que subit son corps, de l'autre son esprit qui est ailleurs, concentré sur un point très éloigné de ce qui se passe. Le problème est que c'est un mécanisme de défense très coûteux. Quand c'est clivé, c'est clivé, on ne recolle pas les morceaux si facilement.

· Clivage de l'objet Mélanie Klein décrit le clivage de l'objet, mécanisme de défense le plus primitif contre l'angoisse. Il est destiné à rendre le moi cohérent et à stabiliser les turbulences relationnelles qui l'agitent. Selon Klein, les relations objectales existant d'emblée, le premier objet le sein de la mère, se cliverait pour l'enfant en " bon objet ", source de gratification gardé à l'intérieur, et en " mauvais objet ", source de frustration projeté au dehors. Par ce processus de clivage le thérapeute peut devenir porteur des mauvais aspects de l'objet afin de protéger le " bon " parent externe ou interne. Ce serait le mécanisme de défense essentiel dans les états limites. Le clivage de l'objet peut être destructeur dans une équipe de soignants qui ne voit pas plus loin que le bout de conflits qu'elle n'élabore pas. Les soignants peuvent arriver à se déchirer à la plus grande joie d'un patient qui voit triompher sa défense. Le rôle d'un cadre qui ne se bornerait pas à être un gestionnaire de planning et du psychologue institutionnel sont ici essentiels.

· Compensation Tentative inconsciente de trouver des substituts à des pertes ou à des inadéquations réelles ou imaginaires. La mise en marche de ce mécanisme implique une exagération des aspects positifs de la personne.

· Complaisance (ou compliance). Utilisation de la soumission passive pour éviter les conflits et les facteurs de stress. Ce mécanisme assimilable à l'inhibition de l'action plus qu'à la fuite devant l'agression est très coûteux. L'agressivité ainsi masquée se retourne souvent contre le sujet. Elle est souvent pathologique.

· Condensation Mécanisme, caractéristique de la pensée inconsciente présent dans le rêve, les actes manqués, les jeux de mots, etc. une représentation unique renvoie à elle seule à plusieurs chaînes associatives à l'intersection desquelles elle se trouve.

· Conduite contraphobique : Défense spécifique contre la phobie.

· Contrôle Tentative de gérer et/ou de diriger, de manière exagérée les événements et les objets de l'environnement afin de minimiser l'anxiété et de résoudre les conflits internes. Ce contrôle peut s'exercer par différentes stratégies comme l'intervention avec des suggestions, le sabotage, la séduction, la complaisance excessive, etc. (groupe). Les soignants exercent facilement l'intervention avec suggestion dans les entretiens, surtout dans leurs démarches de résolution de problèmes à destination du patient. Certains soignants, certains cadres angoissés peu sûrs d'eux et de leur fonction peuvent être tentés d'utiliser la séduction ou l'affectivité pour contrôler l'équipe (" Si tu veux me faire plaisir, tu feras cela … "). La complaisance excessive peut être une façon de se rendre indispensable dans un groupe et donc de le contrôler. Le sabotage peut également constituer une façon de contrôler le groupe.

· Contrôle par la pensée Utilisation de manière contraignante du processus de pensée en tant que défense contre l'anxiété émergente. Ce mécanisme se caractérise par un besoin de connaître tous les détails d'une manière aussi complète que possible. Le contenu de la situation apeurante n'est pas visé, mais par une familiarisation prolongée qui permet d'anticiper le danger, le sujet tente de se préparer et de diminuer ainsi l'anxiété.

· Contrôle omnipotent de l'objet Défense maniaque se développant pendant la position dépressive et qui se caractérise par une relation à des objets saisis dans leur totalité et par la prédominance de l'intégration, de l'ambivalence, de l'angoisse dépressive et de la culpabilité. Le contrôle omnipotent de l'objet se développe comme une défense contre l'angoisse dépressive, la culpabilité et la perte. Elle s'appuie sur des relations d'objet qui se caractérisent par le triomphe, le contrôle et le mépris. C'est évidemment lors des états maniaques que ce mécanisme de défense s'observe le mieux. On peut dire que le maniaque s'épuise littéralement dans ce contrôle et plus l'objet (les soignants par exemple) vont s'acharner à échapper à ce contrôle, plus il lui sera nécessaire de s'agiter pour éviter que la maîtrise de l'environnement lui échappe.

· (Dé)négation = dans l'œuvre de Freud, le terme dénégation recouvre deux sens : refus de reconnaître, comme siens, immédiatement après les avoir formulés, une pensée, un désir, un sentiment qui sont sources de conflit ; refus par le sujet d'une interprétation exacte le concernant, formulée par le psychanalyste. En dehors de l'analyse, ce mécanisme peut se rencontrer en entretien infirmier.

· Déni = Action de refuser la réalité d'une perception vécue comme dangereuse ou douloureuse pour le moi. Il en va ainsi de la phase de déni du deuil. Les patients refusant cette réalité peuvent halluciner la présence de l'absent.

· Déni de la réalité psychique Défense maniaque se développant comme le contrôle omnipotent de l'objet, pendant la position dépressive. Elle s'appuie sur un déni tout-puissant de la réalité psychique, celle du monde interne incluant des pulsions et des objets internes.

· Déni psychotique = type de déni caractérisé par une altérité majeure de l'appréciation de la réalité. A la place de la réalité déplaisante, le patient superpose une production de son désir, le délire.

· Dépersonnalisation = mécanisme consistant en une altération de l'image de soi et de l'image du mode de fonctionnement de soi, produite par un désinvestissement de ce qui est perçu comme le moi, et ayant, comme résultat un sentiment d'irréel. La perception de soi et des affects paraît irréelle et semble appartenir à quelqu'un d'autre ; on note un sentiment d'éloignement de soi.

· Déplacement : fait que l'accent, l'intérêt, l'intensité d'une représentation est susceptible de se détacher d'elle pour passer à d'autres représentations originellement peu intenses, reliées à la première par une chaîne associative. Un exemple célèbre est celui des blés qui évoquent au renard la couleur des cheveux du petit prince et qui l'aident à supporter la perte.

· Dépréciation : fait de s'attribuer ou d'attribuer à autrui des défauts exagérés. Ce mécanisme peut aider à supporter une perte. La femme que l'on quitte devient la dernière des mégères. On n'a ainsi pas perdu grand chose.

· Désexualisation : changement dans la qualité d'une pulsion mais pas de son objet. Ceci implique une neutralisation de l'investissement libidinal ou agressif de l'objet. D'une certaine façon le soin (technique ou autre) n'est possible que par la désexualisation de l'objet.

· Détachement : retrait de l'investissement libidinal ou agressif d'un objet.

· Dissociation : altération des fonctions d'intégration de la conscience, de la mémoire, de la perception de soi ou de l'environnement ou du comportement sensori-moteur.

· Distorsion psychotique distorsion importante qui transforme la réalité externe pour la rendre conforme à nos désirs. La distorsion peut aussi permettre la fusion hallucinatoire agréable avec une autre personne.

· Evitement, détournement actif des pensées, objets ou situations qui sont chargés en conflit. Ainsi, le soignant qui ne supporte pas la mort évitera-t-il de passer devant la chambre du patient qui agonise.

· Faire le clown, se moquer Utilisation excessive ou habituelle de mots d'esprit pour réduire l'anxiété consécutive à des situations stressantes ou à des pensées ou affects perturbateurs.

· Forclusion mécanisme qui consiste en un rejet primordial d'un signifiant. Conçu comme un mécanisme de défense propre à la psychose, il fait référence au rejet des représentations insupportables avant même qu'elles ne soient intégrées à l'inconscient du sujet. Une façon de l'imager est d'imaginer que le signifiant n'est pas entré dans le dictionnaire intime de la personne. Lorsqu'elle est confrontée à ce mot, il n'a pas de sens et ne peut en avoir car tout ce qui renvoie à ce mot est absent du dictionnaire.

· Formation réactionnelle : transformation du caractère permettant une économie du refoulement, puisqu'à des tendances inacceptables sont substituées des tendances opposées, qui deviennent permanentes. (Ainsi l'avare devient-il prodigue).

· Humour Au sens restreint retenu par Freud, l'humour consiste à présenter une situation vécue comme traumatisante de manière à en dégager les aspects plaisants, ironiques, insolites. C'est dans ce cas seulement (humour appliqué à soi-même) qu'il peut être considéré comme un mécanisme de défense.

· Hypocondrie : transformation des reproches à faire aux autres, découlant de chagrins ou de pulsions agressives en reproche à soi-même au départ et, ensuite, en plaintes de douleurs, de maladie somatique ; d'idées de suicide, de neurasthénie. L'hypocondrie ne constitue pas une tentative pour obtenir des bénéfices secondaires découlant du rôle de malade ; les hypocondriaques se plaignent tout en rejetant l'aide. Au cœur de l'hypocondrie se trouve un reproche masqué. En ce sens, la prise en charge de l'hypocondrie se solde-t-elle toujours par un échec, car ce qui est recherché ici c'est la mise en échec de l'autre et non la guérison d'un problème.
 

· Idéalisation Le sujet s'attribue ou attribue à autrui des qualités exagérées.

· Identification Assimilation inconsciente, sous l'effet du plaisir libidinal et/ou de l'angoisse d'un aspect, d'une propriété, d'un attribut de l'autre, qui conduit le sujet, par une similitude réelle ou imaginaire, à une transformation totale ou partielle sur le modèle de celui auquel il s'identifie. L'identification est un mode de relation au monde constitutif de l'identité.

· Identification à l'agresseur Ce mécanisme désigne le fait qu'un sujet, confronté à un danger extérieur, s'identifie à l'agresseur selon différentes modalités : soit en reprenant à son compte l'agression telle quelle, soit en imitant physiquement ou moralement la personne de l'agresseur, soit en adoptant certains symboles de puissance qui le caractérisent. Le syndrome de Stockholm qui voit des otages prendre fait et causes pour les terroristes repose sur l'identification à l'agresseur. On rencontre également ce mécanisme de défense chez les enfants victimes de sévices sexuels, devenus adultes, ils tendraient à reproduire ce qu'on leur a fait.

· Identification projective Mécanisme consistant en un fantasme dans lequel le sujet imagine s'introduire partiellement ou en totalité à l'intérieur de l'autre, tentant ainsi de se débarrasser de sentiments, de pulsions ressenties comme indésirables, et cherchant de cette façon à nuire, à posséder et à contrôler cette autre personne. Ce mécanisme de défense est aussi redoutable pour une équipe qui n'élabore pas ses conflits que le clivage de l'objet. Le patient, de sa chambre d'isolement ou du lit où il est attaché peut arriver à contrôler quasi-totalement une équipe rendue incapable de penser. Les soignants, comme une mécanique folle, reproduisent à l'envie une partie du fonctionnement psychique du patient. Là encore, le rôle du cadre, du psychologue clinicien peut faire la différence.

· Intellectualisation recours à l'abstraction et à la généralisation face à une situation conflictuelle qui angoisserait trop le sujet s'il reconnaissait y être personnellement impliqué. On rencontre cette défense dans de nombreuses pathologies mais également chez certains soignants : psychologues qui jargonnent à qui mieux mieux, cadres, cadres-supérieurs, directeurs des soins managers à des années lumière des soucis des soignants, infirmiers monomaniaques de la démarche de soin ou perroquets lacanolatres qui répètent à l'envie ce qu'ils ont plus ou moins bien intégrés.

· Introjection Inclusion fantasmatique -de l'objet, d'une partie de celui-ci, ou du lien à ce dernier- qui sert de repère au moi pour l'appréhension de l'objet extérieur dont le détachement est alors possible. Un deuil s'achève à l'introjection de l'objet perdu.

· Isolation Le terme isolation recouvre deux sens. Il peut désigner : une élimination de l'affect lié à une représentation (souvenir, idée, pensée) conflictuelle, alors que la représentation en question reste consciente ; une séparation artificielle entre deux pensées ou deux comportements qui en réalité sont liés, leur relation ne pouvant être reconnue sans angoisse par la personne.

· Limitation des fonctions du moi Limitation ou perte de l'une ou de plusieurs fonctions du moi, afin d'éviter l'anxiété engendrée par le conflit avec les tendances instinctuelles, avec le Surmoi ou avec les forces ou les objets de l'environnement. La limitation d'une fonction du moi peut être relativement bénigne, avec une faible interférence sur l'efficacité globale du moi. Elle prend cependant souvent la forme d'une inhibition importante du fonctionnement du moi, parfois si pathologique qu'elle devient symptôme.

· Manger et boire Tendance irrépressible à ingérer des aliments, des boissons, des médicaments, etc. afin de maintenir ou de restaurer l'intégrité de soi, surtout de l'image corporelle et de contrôler l'environnement. Les mécanismes d'incorporation et d'introjection sont impliqués.

· Mise à l'écart Tentative de rejet volontaire, hors du champ de la conscience, de problèmes, désirs, sentiments, ou expériences qui tourmentent ou inquiètent un sujet.

· Mise en avant des affects Fait de mettre un accent particulier sur l'affect ou de l'utiliser de manière excessive afin d'éviter la compréhension et l'explication rationnelle. Les sentiments sont, donc, inconsciemment intensifiés à des fins défensives.

· Omnipotence Réponse donnée aux conflits émotionnels ou aux facteurs de stress internes ou externes au cours de laquelle le sujet se sent ou agit comme s'il possédait des capacités ou des pouvoirs supérieurs à ceux des autres.

· Plainte associant demande d'aide et rejet de cette aide Le sujet exprime des plaintes ou demandes d'aide répétées (concernant des symptômes physiques ou psychologiques ou des problèmes de vie), ces plaintes et demandent dissimulent en fait, des sentiments d'hostilité et des reproches à l'égard d'autrui. Ces sentiments s'expriment lorsque le sujet rejette les suggestions, conseils ou offres d'aide apportés par quelqu'un d'autre.

· Projection Opération par laquelle le sujet expulse dans le monde extérieur des pensées, affects, désirs qu'il méconnaît ou refuse en lui et qu'il attribue à d'autres, personnes ou chose de son environnement.

· Projection délirante Forme de projection où le sujet abandonne, en fait, la mise à l'épreuve de la réalité. Dans la projection délirante, les conflits internes sont extériorisés et le sujet leur donne une réalité tangible.

· Rationalisation Justification logique, mais artificielle, qui camoufle, à l'insu de celui qui l'utilise, les vrais motifs (irrationnels et inconscients) de certains de ses jugements, de ses conduites, de ses sentiments, car ces motifs véritables ne pourraient être reconnus sans anxiété.

· Recours à la pensée magique Croire que la pensée a force d'action, permettant ainsi de satisfaire un besoin ou d'éviter un danger. Dans cette situation l'épreuve de réalité est abandonnée.

· Refoulement Rejet dans l'inconscient de représentations conflictuelles qui demeurent actives, tout en étant inaccessibles à la prise de conscience. Le retour du refoulé, dont les conséquences peuvent être anodines ou pathologiques, intervient en cas d'échec ou d'insuffisance du refoulement.

· Régression Retour plus ou moins organisé et transitoire à des modes d'expression antérieurs de la pensée, des conduites ou des relations objectales, face à un danger interne ou externe susceptible de provoquer un excès d'angoisse ou de frustration.

· Renversement dans le contraire Mécanisme où une pulsion conflictuelle est, non seulement refoulée, mais aussi remplacée par la pulsion opposée.

· Réparation Mécanisme visant à restaurer un objet aimé endommagé par les fantasmes destructeurs du sujet. La réparation survient pendant la position dépressive en réaction aux angoisses et à la culpabilité dépressives. Si la réparation fonctionne comme une partie du système des défenses maniaques, elle acquiert les caractéristiques maniaques du déni, du contrôle et du mépris. De nombreux soignants s'engagent dans les métiers de la santé pour réparer un objet aimé endommagé par leurs fantasmes destructeurs. Il est essentiel que ceux-ci puissent élaborer ce qui les conduit à être soignant. Ils risquent dans le cas contraire d'être pris dans des pièges relationnels qui les contraindraient à réparer toujours plus des patients qui iraient toujours plus mal. Ils sont les victimes rêvées pour les patients qui utilisent comme mécanismes de défense l'hypocondrie ou la plainte associant demande d'aide et rejet de cette aide.
· Retournement contre soi-même Refus inconscient par un sujet de sa propre agressivité, qu'il détourne d'autrui pour la reporter sur lui-même. Ce mécanisme de défense peut être à la source de sentiments de culpabilité, d'un besoin de punition, d'une névrose d'échec, de tentatives d'autodestruction.
· Ritualisation Etablissement d'un certain ordre ou " identitude " des choses et du comportement. Le sens disparaît par le refoulement, mais il est implicite dans la forme ou l'ordre qui ont un sens magique. La formalisation en constitue le précurseur. De nombreux soignants et de nombreux cadres cherchant à ritualiser le soin par des protocoles pour se protéger de l'angoisse.
· Retrait apathique Détachement protecteur, fait d'indifférence affective, de restriction des relations sociales et des activités extérieures, et de soumission passive aux événements, qui permet à une personne de supporter une situation très difficile.
· Sexualisation Doter un objet ou une fonction d'une signification sexuelle, qu'ils n'avaient pas auparavant ou qu'ils avaient en moindre mesure, afin de prévenir l'anxiété en relation avec certaines pulsions ou réactions interdites.
· Se cramponner à l'objet S'accrocher en fait ou de fait, de manière exagérée aux objets, être peu disposé à défaire le lien ou à quitter l'objet. La société de consommation incite à beaucoup se cramponner.
· Se tourner vers l'esthétique Déplacement de l'intérêt vers la valeur formelle, esthétique, des objets ou expériences, afin d'éviter la prise de conscience des affects liés à la sexualité.
· Siffler dans le noir pour ne plus avoir peur, pour montrer à un éventuel adversaire que l'on n'a pas peur.
· Somatisation
· Sublimation Deux sens : désexualisation d'une pulsion s'adressant à une personne qui pourrait (ou qui a pu) être désirée sexuellement. La pulsion transformée en tendresse ou en amitié, change de but, mais son objet reste le même ; Dérivation de l'énergie d'une pulsion sexuelle ou agressive vers des activités valorisées socialement (artistiques, intellectuelles, morales). La pulsion se détourne alors de son objet et de son but (érotique ou agressif) primitifs, mais sans être refoulée.
· Tomber malade : utilisation courante, à des fins d'évitement et de régression, des maladies dont le sujet souffre, en les exagérant. La responsabilité peut être évitée, la culpabilité contournée, et les pulsions agressives et libidinales vécues comme dangereuses peuvent être ainsi écartées.

Le concept de dégagement

Bibring en
1943 a décrit des mécanismes de dégagement qui constituent des modalités d'aménagement des tensions par le moi. Leur fonction est de dissoudre progressivement la tension en changeant les conditions internes qui lui donnent naissance. Il décrit ainsi la familiarisation avec une situation anxiogène ou le détachement de la libido (dans le travail de deuil). Parmi les mêmes mécanismes, Lagache décrit :
- La familiarisation du sujet avec la situation traumatique ;
- La prévision qui permet au sujet de se dégager de l'emprise des motivations actuelles (qui animent et entretiennent le conflit et de l'attente d'effets imminents, en se représentant les effets éloignés de ces motivations ;
- Le remplacement qui peut se manifester :
- par la répétition agie,
- par la remémoration pensée et parlée ;
- par l'identification qui amène le sujet à se confondre avec son vécu,
- par l'objectivation (qui lui permet de prendre de la distance par rapport à ce vécu)
- de la dissociation
- par l'intégration
- de l'obéissance par l'expérience.

Dans ce sens la sublimation est un mécanisme de dégagement.

La résilience

Pour Boris Cyrulnik, qu'il soit abandonné, martyrisé, victime de génocide, handicapé ou simplement englué dans l'histoire de ses parents, l'enfant n'est pas réductible à l'état de victime. Le terme de résilience vient de la physique. Il décrit l'aptitude d'un corps à résister à un choc. Dans les sciences sociales, il signifie : " capacité à réussir à vivre et à se développer positivement, de manière socialement acceptable, en dépit du stress ou d'une adversité qui comportent normalement le risque grave d'une issue négative. " Une carence précoce peut créer une vulnérabilité momentanée que nos rencontres affectives et sociales pourront restaurer ou aggraver. La résilience constitue ainsi un processus naturel où ce que nous sommes à un moment donné doit obligatoirement se tricoter avec ses milieux écologiques, affectifs et verbaux. " Qu'un seul maillon défaille et tout s'effondrera. Qu'un seul point d'appui soit offert et la construction reprendra. "

Si après un traumatisme, rien ne peut plus être comme avant, il n'empêche que tout enfant blessé peut " tricoter " des liens de résilience. Ces enfants blessés doivent d'abord puiser dans les ressources internes qui constituent leur personnalité, car dans les trois premiers mois de leur vie, les bébés ont reçu des informations de tendresse, de chaleur humaine, d'amour ou d'attention qui resteront gravées en eux toute leur vie. L'enfant blessé saura instinctivement qu'il connaît des sentiments positifs et agréables qui l'aideront à sortir la tête de l'eau. Ensuite, et c'est capital, ils auront recours aux ressources externes, il s'agit en fait de toutes les mains tendues : un éducateur, un médecin, un ami, un parent. Ces personnes-là sont essentielles, car elles sont celles qui vont prouver à l'enfant meurtri que quelqu'un reconnaît enfin qu'il vaut quelque chose. Un tiers des enfants meurtris n'ont aucune ressource interne, n'ont reçu aucun amour étant bébé, donc ils sont bien obligés de chercher de l'amour chez autrui. Pour eux, c'est plus dur, mais beaucoup parviennent à s'en sortir. Le psychothérapeute est la première personne à qui ils préfèrent révéler un secret lié à une blessure avant d'en parler aux autres.

Dans le fracas de l'existence, l'enfant et l'adulte mettent en place des moyens de défense internes, tels que le clivage. Le déni permet de ne pas voir une réalité dangereuse ou de banaliser une blessure douloureuse. La rêverie est tellement belle quand le réel est désolé. L'intellectualisation permet d'éviter l'affrontement qui nous impliquerait personnellement. L'abstraction nous contraint à trouver les lois générales qui nous permettent de maîtriser ou d'éviter l'adversaire. L'altruisme, se réparer soi en réparant l'autre, peut permettre également d'être maître de son destin. L'humour, d'un seul trait métamorphose une pesante tragédie en légère euphorie. Quand la douleur est trop forte, on est soumis à sa perception, on souffre. Mais dès que l'on peut prendre du recul, dès que l'on peut en faire un récit, le représenter le malheur devient supportable.

Le prix de la résilience est l'oxymoron, à l'origine une figure de rhétorique qui consiste à associer deux termes antinomiques tels que " l'obscure clarté " ou " un merveilleux malheur ". Sur un plan psychologique, l'oxymoron décrit le contraste de celui qui, recevant un grand coup, s'y adapte en se clivant. La partie de la personne qui a reçu le coup souffre et se nécrose, tandis qu'une autre mieux protégée, encore saine mais plus secrète, rassemble avec l'énergie du désespoir tout ce qui peut donner encore un peu de bonheur et de sens à vivre. L'oxymoron n'oppose pas deux sensations, deux états d'être, il les associe au contraire. Comme dans l'art gothique, les poussées opposées des arcs soutenant les voûtes se rencontrent. Le bâtiment ne tient debout que grâce à la croisée des ogives, les deux forces opposées sont nécessaires à l'équilibre.

Max KUPELESA © 2006
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