Les hommes sont comme les plantes, qui ne croissent jamais heureusement, si elles ne sont bien cultivées.
   
LE DEFI DE LA QUALITE DE L’EDUCATION SCOLAIRE EN RDC

         Introduction

         Malgré le désenchantement que suscite bien la persistance des maux qu’on doit s’efforcer d’éradiquer, l’école continue à mobiliser les populations congolaises autour d’une espérance majeure, celle de sortir de la pauvreté, de l’ignorance et du sous-développement. Il reste que l’école congolaise va très mal, et que la mise sur pied d’une école de qualité est un impératif qui exige des évolutions majeures de la part de tous les acteurs et consommateurs de l’école congolaise. Il n’y a pas que le sida qui tue, une mauvaise école est le virus le plus dommageable dans un contexte de sous-développement chronique. Les moyens utilisés contre le sida doivent être quadruplés pour re-édifier l’école  efficace partout en RDC.

         Les défis à relever

         La première évolution doit tenir à la détermination des pouvoirs publics à se mobiliser et à s’engager sur la voie du vrai changement. En effet, les efforts considérables consentis en direction de l’éducation pour tous resteront inefficaces si la mobilisation de l’Etat n’est pas totale. Et si l’Etat ne se mobilise pas totalement, toute perspective de développement durable ne cessera de s’éloigner.
         L’expérience a montré dans bien des cas que l’engagement du gouvernement est une des conditions nécessaires à la réussite de toutes réformes scolaires. Cependant, cet engagement suppose que les acteurs décisionnels fassent preuve de créativité supérieure, mais également de courage et de détermination, comme ce fut le cas pour mettre fin à la guerre, car l’ampleur des défis ne laisse aucune chance à l’improvisation, au bricolage et à l’amateurisme.  Aux grands maux, il faut des grands moyens et une force de volonté. On confie trop souvent ce secteur stratégique à des amateurs et bricoleurs qui n’ont d’appui que dans leur passé.
         En outre, s’engager à édifier un système de formation performant et excellent implique d’avoir une vision claire de l’éducation basée sur les aspirations profondes de la société et des enjeux de la mondialisation. Une telle vision doit s’inspirer des leçons du passé et de l’expérience pour ne pas commettre les mêmes erreurs fatales pour la jeunesse et le pays.
         La dispersion des politiques et des conceptions éducatives, à travers des initiatives non inscrites dans une démarche organisée suffisamment éclairée et stratégique entraîne des gaspillages importants des ressources et une démobilisation des acteurs. Souvent les préoccupations de gestion à court terme ont eu tendance à reléguer au troisième plan la vraie réflexion de fond qui devrait sous-tendre toute politique éducative.
         Une vision stratégique doit intégrer la dimension organique qui lie les différents stades d’enseignement. Et quand un ministre ne maîtrise pas la réalité de l’école primaire et secondaire du moment, il n’est pas à sa place. En effet, entre l’enseignement primaire, secondaire, supérieur et universitaire, il existe un continuum qui exige une approche globale stratégique dans la définition des politiques éducatives : les maîtres du primaire viennent du secondaire, les enseignants du secondaire sont formés au supérieur et à l’université.  Surtout, le supérieur et l’université forment l’élite et les cadres nationaux capables, par sa capacité prospective, de traduire les besoins du pays et les aspirations des Congolais en efficace politique éducative, économique, sanitaire, culturelle, etc.  Quelqu’un qui n’a jamais étudié dans une classe congolaise ne pourra que superficiellement traiter des problèmes profonds de l’école congolaise. Un exemple simple est que très peu de lecteurs assidus émergent, même de meilleures écoles. En outre, le temps alloué à l’apprentissage de la composition française, à l’initiation de l’esprit scientifique est très insuffisant au regard du temps consacré à l’histoire et à la géographie au niveau secondaire. Un Congolais ne serait jamais facilement directeur d’école au Japon ! C’est comme si on demandait à un Norvégien d’initier traditionnellement de jeunes Mongo !
         La claire vision éducative ne suffira pas à garantir le succès d’une bonne politique éducative. Il faut que cette vision soit définie à l’intérieur d’un programme réaliste bien articulé et porté par un leadership de grande qualité. En effet, un leadership éclairé, visionnaire, ambitieux , performant et pragmatique est indispensable pour la réalisation d’une école de qualité, capable d’entraîner des mutations nécessaires à l’émergence socio-économique.
         Se mobiliser à enraciner l’éducation dans les réalités nationales est une nécessité urgente à laquelle le pays et ses responsables ne peuvent se soustraire, au risque d’aggraver le fossé qui sépare l’école des aspirations des populations et des besoins nationaux.
         Une autre évolution à engager doit porter sur le développement des capacités institutionnelles en tant que matrice fondamentale de développement de l’éducation congolaise. Ce serait une peine perdue que de disposer des programmes savants « imités ou copiés », si les capacités nécessaires à leur mise en œuvre font défaut.  Les capacités institutionnelles doivent se construire à partir d’une stratégie de consolidation et de valorisation des compétences, afin d’assurer un développement durable de l’école performante.
         Cette stratégie suppose l’identification préalable des faiblesses et des besoins en formation des administrations éducatives et implique une stratégie de développement des compétences et de renforcement des capacités organisationnelles, dotée d’objectifs précis et de mécanismes de suivi et d’évaluation réguliers. La simple transposition des expériences réussies ailleurs ne garantit pas toujours leur réussite dans un contexte différent, même si elles peuvent inspirer la conception des nouvelles politiques en permettant de disposer des repères sûrs et d’épargner des énergies.
         Les institutions internationales peuvent apporter une contribution au développement de notre système éducatif sans qu’elles se substituent à l’Etat et aux populations. Il faut redéfinir un partenariat authentique basé sur une justice et une solidarité vraies, mais le leadership national doit jouer son rôle. Car, aussi souhaitables que soient les interventions des partenaires extérieurs, ils ne peuvent se substituer efficacement au gouvernement dans sa mission de développement national.  Notre pays doit d’abord et surtout compter sur ses propres moyens pour bien encadrer tous les jeunes vers un développement durable.
         Sur le plan de la recherche scientifique, l’émergence des problématiques nouvelles nées de l’exigence accrue de qualité, n’a pas entraîné un renouvellement des approches, qui continuent à privilégier la logique de gestion, à travers la recherche de l’équilibre par la rationalisation et l’optimisation des choix et des décisions éducatives. La planification de l’éducation en RDC s’est longtemps enfermée dans un paradigme quantitatif, évacuant de fait les questions fondamentales touchant à la signification sociale et individuelle de l’éducation scolaire.
         Aujourd’hui, pour être plus opératoire et plus efficace, elle doit s’ouvrir aux approches plus qualitatives qui permettent de bien appréhender le champ social de manière plus approfondie. Il nous faut réhabiliter les méthodes qualitatives dans un contexte où le raisonnement statistique reste encore un dialecte savant et où l’école a encore besoin d’introspection pour se bien comprendre.

         C’est donc à travers des évolutions de ce genre que notre système éducatif pourra se réconcilier avec les aspirations des Congolais pour devenir un vrai outil au service du développement durable et un moyen d’épanouissement individuel et collectif. Car, en dépit des difficultés, l’espoir reste permis, il suffit de nous mobiliser pour une école efficace afin de participer pleinement au progrès scientifique et technologique et au bien-être de tous.

                Max Kupelesa

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