Les hommes sont comme les plantes, qui ne croissent jamais heureusement, si elles ne sont bien cultivées.
   
   
Mémoire et apprentissage

La mémoire et l’apprentissage sont si intimement liés qu’on confond souvent les deux. Pour ceux qui les étudient, ces deux notions renvoient à deux phénomènes bien différents.

L'apprentissage désigne un processus qui va modifier un comportement ultérieur. La mémoire est notre capacité de se rappeler des expériences passées. J'apprends une nouvelle langue en l'étudiant, mais je la parle ensuite grâce à ma mémoire qui puise dans les mots appris.  La mémoire est donc essentielle à tout apprentissage puisqu'elle permet le stockage et le rappel des informations apprises. La mémoire, au fond, n'est rien d'autre que la trace qui reste d'un apprentissage.

De plus, non seulement la mémoire dépend de l'apprentissage, mais l'apprentissage dépend aussi de la mémoire. En effet, les connaissances mémorisées constituent une trame sur laquelle viennent se greffer les nouvelles connaissances. Plus notre bagage de connaissance est grand, plus on pourra y greffer de nouvelles informations facilement.

MÉMOIRE SENSORIELLE, À COURT ET À LONG TERME

La mémoire humaine n'est pas un processus unitaire. Au niveau psychologique, les recherches suggèrent que différents types de mémoire sont à l'œuvre chez l'être humain. Il semble d'ailleurs de plus en plus probable que ces systèmes mettent en jeu différentes parties du cerveau. Un premier critère, celui de la durée du souvenir, permet de distinguer au moins trois types de mémoire : la mémoire sensorielle, la mémoire à court terme et la mémoire à long terme (mais d'autres critères amènent d'autres subdivisions…). La mémoire sensorielle conserve fidèlement mais très brièvement l'information apportée par les sens. Sa durée est si courte (de l'ordre de quelques centaines de millisecondes à une ou deux secondes) qu'elle est souvent considérée comme faisant partie du processus de perception. Elle n'en constitue pas moins un passage obligé pour le stockage dans la mémoire à court termeLa mémoire à court terme enregistre temporairement les événements qui s'enchaînent dans nos vies. C'est un visage croisé dans la rue ou un numéro de téléphone entendu qui se dissipera rapidement à tout jamais si on ne fait pas un effort conscient pour s'en rappeler. Sa capacité de stockage est limitée à environ 7 items et elle dure quelques dizaines de secondes seulement. Encore une fois ici, la mémoire à court terme est ce qui va permettre le stade de rétention suivant, la mémoire à long terme.  La mémoire à long terme sert non seulement à emmagasiner tous les événements significatifs qui jalonnent notre existence, mais aussi à retenir le sens des mots et les habiletés manuelles apprises. Sa capacité semble illimitée et elle peut durer des jours, des mois, des années, voire toute une vie ! Toutefois, elle est loin d'être infaillible, déforme parfois les faits et sa fiabilité tend à décroître avec l'âge.

---DIFFÉRENTS TYPES DE MÉMOIRE À LONG TERME

Quand on parle de la mémoire à long terme, on fait référence à des souvenirs durables. Mais d'autres critères que la durée peuvent nous aider à décortiquer le phénomène complexe de la mémoire. Un autre de ces critères est notre capacité ou non à verbaliser un souvenir. Deux grands systèmes de mémoire se dessinent alors. D'une part une mémoire déclarative qui est celle de toutes ces choses dont on a conscience de se souvenir et que l'on peut décrire verbalement. On qualifie aussi cette mémoire d'explicite parce que l'on peut décrire et nommer explicitement ces souvenirs, que ce soit notre date de naissance, la signification du mot "berceau" ou encore ce que l'on a mangé la veille. D'autre part, nous avons également une mémoire non-déclarative qu'on appelle aussi mémoire implicite parce qu'elle s'exprime autrement qu'avec des mots. Aller à bicyclette, jongler ou simplement attacher son lacet font appel à un apprentissage moteur qui n'a pas besoin du langage pour s'exprimer. La mémoire d'un savoir-faire est un type particulier de mémoire implicite, mais il y en a d'autres.

D'un point de vue clinique et physiologique, plusieurs observations nous incitent à penser que la mémoire à long terme engloberait différents types de mémoire. Par exemple, certaines amnésies affectent certains types de souvenirs et pas d'autres. De même, on a découvert que différentes structures cérébrales étaient spécialisées dans le traitement de différents types de souvenirs. L'une de ces distinctions qui apparaissent comme des plus fondamentales est celle que l'on fait entre les mémoires explicites (ou déclaratives) et celles qui sont implicites (ou non-déclaratives), selon que l'on peut ou non en exprimer verbalement le contenu. Traditionnellement, les études se sont concentrées sur la mémoire explicite où nous pouvons nous rappeler consciemment les faits et les choses. On demande par exemple à quelqu'un de mémoriser un matériel donné (liste de mots, images, etc.) qu'il doit ensuite se remémorer verbalement. Cette mémoire semble donc favoriser l'encodage d'informations relatives à l'identité, la fonction et les attributs d'un objet.  Plus récemment, un intérêt croissant en recherche a vu le jour pour une forme inconsciente de mémoire appelée mémoire implicite. Il s'agit d'une forme de mémoire où l'on ne retient pas l'expérience qui en est à l'origine. De plus, le rappel d'un souvenir encodé dans la mémoire implicite se fait automatiquement, sans les efforts de rappel nécessaire à la mémoire explicite.

La mémoire procédurale, qui permet l'acquisition d'habiletés et l'amélioration progressive de ses performances motrices, est peut-être la mieux connue des différents types de mémoires implicites. C'est cette mémoire qui permet, par exemple, de conduire sa voiture ou de manger sans devoir être totalement concentré sur ces tâches. La mémoire procédurale est inconsciente, non pas au sens freudien de souvenir refoulé, mais parce qu'elle est constituée d'automatismes sensorimoteurs si bien intégrés que nous n'en avons plus conscience. La mémoire procédurale est souvent préservée chez les patients souffrant d'amnésie profonde, ce qui plaide pour un système de voies nerveuses distinct.

Beaucoup de nos conditionnements émotionnels et de nos réflexes conditionnés sont également du domaine de la mémoire implicite. L'apprentissage associatif qui est à la base de ces formes de mémoire est un processus très ancien phylogénétiquement qui peut se faire sans l'intervention de la conscience.

L' acquisition d'un souvenir dans la mémoire implicite se fait à notre insu et elle doit souvent être mise en évidence de manière indirecte, par des phénomènes comme l'amorçage ("priming"). L'effet d'amorçage est une augmentation de la précision ou de la vitesse d'une prise de décision qui survient suite à l'exposition préalable d'une information pertinente sur le contexte, mais sans qu'il n'y ait aucune motivation à rechercher cette information de la part du sujet. Par exemple, la décision que la chaîne de caractères "docteur" est un mot est prise plus rapidement lorsque la chaîne de caractères qui le précède était "infirmière" comparé à "nord" ou à une chaîne de caractères quelconque comme "nuber".

Si la mémoire à long terme peut être subdivisée en mémoire explicite et implicite, et même si cette dernière peut être subdivisée à son tour en différents types de mémoire, il ne faut pas perdre de vue que la mémoire humaine constitue une association de différents sous-systèmes en constante interaction. Les mémoires épisodiques et sémantiques, deux formes distinctes de mémoire explicite, en offrent peut-être le meilleur exemple (voir l'encadré).

 -------------------------------------- Max Kupelesa Ilunga, sj


 

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