Introduction
Pendant la colonisation et jusqu’aux années 70, l’orientation scolaire des jeunes se faisait principalement en fonction de ses capacités, de ses aptitudes, de ses intérêts que dans certains milieux une batterie de tests psycho-techniques permettait de définir. Il y avait une sorte de déterminisme dans le choix de tout élève.
Progressivement, le jeune se trouve au cœur de son orientation. On ne décide plus partout sans lui, son choix est de plus en plus personnel et autonome, mais peu réaliste. Car, aucune école ne donne à ses élèves les moyens de faire leur choix de façon objective et plus réaliste.
Si cette nouvelle pratique d’orientation personnelle est admise presque par tout le monde, une approche éducative lui est indispensable pour permettre aux jeunes d’apprendre à acquérir leur vraie autonomie. Il faut que les écoles prennent en compte cette approche éducative pour éviter que les jeunes s’engagent parfois à l’aventure. Ainsi, nous pourrions lutter d’une façon rationnelle contre l’échec scolaire et académique.
Une bonne approche éducative de l’orientation scolaire doit permettre à chaque jeune de s’approprier le savoir, de développer sa curiosité d’apprendre, de lui donner plaisir à enrichir ses connaissances, de développer ses motivations au travail. Ce travail sur l’orientation doit se faire dans trois directions :
La connaissance de soi
Il faut que l’école prenne en compte cette dimension et admette l’idée qu’elle a une influence sur le développement psychologique des élèves. Il s’agit avant tout, dans un travail sur la connaissance de soi, d’améliorer l’image que le jeune peut avoir de lui-même pour qu’il puisse agir. En effet, souvent les commentaires sarcastiques des enseignants détruisent les élèves qui finissent par se déprécier et par se sous-estimer. Il s’agit de pointer tout ce qui peut être valorisé pour construire un vrai projet d’avenir.
Ce travail sur la construction d’une image positive se fait à tout moment. Ses jugements hâtifs du genre « tu es un bon à rien, cancre, voleur, ndoki » ne contribuent pas vraiment au développement d’une image de soi positive.
Les pratiques évaluatives ont un rapport direct avec la construction de l’image de soi. Celle-ci se construit pour un élève à partir de ce qu’on lui renvoie. L’analyse du bulletin de notes par exemple, par l’élève et son professeur permet une prise de conscience des enjeux.
De même, le regroupement des élèves par niveaux peut induire chez eux une image très négative, « nous sommes dans une classe de bourriques, de fainéants ». Bien entendu, la connaissance de soi ne peut se résumer à ce seul aspect, mais les enseignants ne sont pas des spécialistes de la psychologie adolescente et en cas de difficultés particulières, le conseiller d’orientation ou le psychologue scolaire sont habilités à intervenir et à apporter leur contribution à une meilleure connaissance des problèmes des jeunes. Il s’agit d’aider chaque jeune à se faire une image juste de soi.
La connaissance des possibilités de formation
Nous observons que les systèmes de formation sont souvent connus des élèves à travers les amis, la famille, les médias. Malheureusement, ceux-ci ont de nombreux a priori et induisent des représentations erronées et fausses chez plusieurs jeunes. Le perception que les élèves, les amis, la famille ont du système éducatif est souvent liée au vécu quotidien. C’est ainsi que les cycles courts, les écoles professionnelles ont pour beaucoup une image négative et sont considérés comme des orientations par l’échec.
Il est donc important de travailler sur une meilleure connaissance du système éducatif par les enseignants. Tous les échanges inter-cycles pour que chaque jeune ait des bonnes références. Un travail d’information sur le système de formation auprès des élèves directement reste bien entendu possible et souhaitable surtout dans les classes terminales où devront se faire des choix d’orientation.
Les représentations professionnelles
Il ne s’agit pas pour les jeunes de connaître un métier mais de s’approprier des repères qui leur permettront de se situer. Une connaissance exhaustive des métiers est impossible quand on sait leur évolution dans le temps et la multitude des activités professionnelles.
Il n’ s’agit pas non plus pour les jeunes de choisir un métier. Un choix prématuré peut enlever toute curiosité et peut aller à l’encontre du but recherché. Cette tendance à forcer le choix est pourtant d’autant plus grande que les élèves sont en difficulté scolaire.
Il s’agit d’indiquer les itinéraires, de travailler les représentations professionnelles afin de donner aux jeunes une grille d’analyse qui sera toujours la même quel que soit le métier étudié. Pour que l’information diffusée soit bien assimilée, il faut qu’une attention particulière soit portée sur le vocabulaire utilisé.
L’information sur les métiers devient de plus en plus un enjeu d’un véritable marché. On peut signer avec le patronat des accords pour qu’ils interviennent dans le processus d’information des élèves. L’objectif est de donner aux élèves les outils pour qu’ils puissent s’approprier l’information.
L’accroissement du flux d’informations n’est pas en soi une garantie d’amélioration des représentations ; il faut un accompagnement pédagogique à tout apport d’information et en particulier une aide à la détection des erreurs portant sur les concepts clés. En effet, la consultation des documents à partir de représentations erronées aboutit plus souvent à renforcer et à stabiliser les erreurs de conception et de choix qu’à les corriger.
Il faut que le niveau de langue employé corresponde à la compétence linguistique des lecteurs, donc un vocabulaire aussi proche que possible, ce qui pose cruellement le problème des intervenants extérieurs à l’école.
Quand faire l’éducation à l’orientation ?
Dans la pratique quotidienne, tout enseignant, quelle que soit sa discipline, doit faire l’éducation à l’orientation. Plusieurs occasions peuvent permettre d’aborder les différents aspects mentionnés ci-haut.
Certaines interventions ne peuvent se faire sur le temps des cours sous peine de réduire le temps consacré à la matière. Un temps spécifique est indispensable, par exemple, une journée par trimestre. A chaque école de trouver sa manière d’assurer cette éducation.
Aussi, l’individualisation des conseils est indispensable. Les occasions sont nombreuses pour un enseignant de rencontrer individuellement un élève et d’aborder avec lui les problèmes d’orientation scolaire. C’est bien aussi à ce niveau que le psychologue scolaire et/ou le conseiller d’orientation peuvent intervenir pour aider les élèves à faire la synthèse de toutes les informations reçues.
Des risques à prendre en compte
Le risque de scolarisation de l’opération : on fait pour faire, parce que c’est demandé, mais on perd le sens de ce que l’on fait. On peut juger les élèves à partir de cette activité, on peut coter, finalement ça devient une matière à évaluer.
Le risque de spécialisation et notamment du conseiller en orientation ou du psychologue qui prendrait en charge une grande partie de l’opération. A cause du spécialiste, les enseignants se déresponsabilisent. L’éducation à l’orientation est l’affaire de tout le monde même si tel ou tel peut jouer un rôle plus important.
D’autre part, si tout le monde s’y met, le risque d’émiettement est grand et les incohérences sont possibles. Ce qui est important, ce n’est pas l’action elle-même, mais l’articulation des actions entre elles. Il est important que les élèves trouvent de la cohérence dans ce qu’on leur propose.
Aussi, trop mettre l’accent sur le but à atteindre peut conduire à l’obsession du choix. Ce qui est intéressant, c’est la démarche à suivre que les élèves peuvent réinvestir. Le choix lui-même a moins d’importance, il faut d’abord offrir aux jeunes les moyens du choix, la possibilité de discerner.
On peut aussi courir le risque de vouloir réguler les flux des élèves. Il ne s’agit pas d’élitisme, d’augmenter le taux de passage, de développer l’apprentissage ou d’envoyer plus d’élèves dans des sections déficitaires. Le risque de réduire l’ambition des élèves, notamment ceux qui sont le plus en difficulté, est aussi grand. Il ne faut pas forcer le choix, on risque de casser la dynamique. Tous ces risques ne doivent pas bloquer l’action, il suffit de rester vigilant.
Conclusion
Tout travail doit se faire dans le respect absolu des élèves. Pour que l’éducation à l’orientation se fasse dans de bonnes conditions, il faut conjuguer la volonté affirmée du chef d’établissement et de l’équipe de direction, la conviction des enseignants sur l’utilité et le bien fondé de l’action spécifique à ce sujet et le soutient actif du conseiller d’orientation ou du psychologue.
Cette pratique éducative va à l’encontre de la politique actuelle basée sur la spécialisation des disciplines et sur l’autonomie très forte de chaque enseignant. Réussir le pari de l’éducation à l’orientation sera un grand pas dans l’évolution de notre système éducatif.
Max Kupelesa Ilunga.